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Voix de la Foule chez Tacite

Extemplo Libyae magnas it Fama per urbes, / Fama, malum qua non aliud velocius ullum [...]

(Virgile, Énéide, 4.173-174)

Illustration médiévale de la Fama

Illustration de l'édition Brant de l'Énéide, Strasbourg 1502

Affichage du corpus

En jaune, les termes renvoyant à une vocalisation collective. En vert, le discours indirect rattaché à la foule.

101/430 [Ann] IV, 62 Catastrophe de l'amphithéâtre de Fidènes
Un amphithéâtre construit à la va-vite à Fidènes s'effondre pendant le spectacle. La catastrophe aboutit chez Tacite à un tableau pathétique (et sonore) des blessés appelant au secours. Il est également fait mention du rôle de la rumeur, qui répandit la nouvelle et fit venir les proches des victimes sur le lieu de l'accident.
Adfluxere auidi talium [spectaculorum], imperitante Tiberio procul uoluptatibus habiti , uirile ac muliebre secus, omnis aetas , ob propinquitatem loci effusius ; unde grauior pestis fuit, conferta mole, dein conuulsa, dum ruit intus aut in exteriora effunditur immensamque uim mortalium, spectaculo intentos aut qui circum adstabant, praeceps trahit atque operit. Et illi quidem quos principium stragis in mortem adflixerat, ut tali sorte, cruciatum effugere : miserandi magis quos abrupta parte corporis nondum uita deseruerat ; qui per diem uisu, per noctem ululatibus et gemitu coniuges aut liberos noscebant. Iam ceteri fama exciti, hic fratrem, propinquum ille, alius parentes lamentari. Etiam quorum diuersa de causa amici aut necessarii aberant, pauere tamen ; nequedum comperto quos illa uis perculisset, latior ex incerto metus . Les gens avides de tels spectacles arrivèrent en foule ; de fait, sous le règne de Tibère, ils avaient été tenus loin de ces plaisirs. C’était des hommes et des femmes, de tout âge, que la proximité du lieu faisait venir avec d’autant plus d’abondance. Ce fut ce qui aggrava le malheur : la charge s’alourdit d’abord, puis s’ébranle en s’effondrant vers l’intérieur ou en tombant vers l’extérieur, ce qui entraîne et ensevelit dans la chute l’immense quantité d’individus qui étaient captivés par le spectacle ou qui se tenaient à l’entour. Ceux qui eurent la chance, vu leur sort, d’être tués au début du massacre, évitèrent la torture ; beaucoup plus déplorables, ceux à qui la perte d’un membre n’avait pas encore fait perdre la vie : eux cherchaient à trouver, des yeux le jour, grâce aux hurlements et aux gémissements la nuit, leur femme ou leurs enfants. Tous les autres, que la rumeur avait fait venir, pleuraient qui un frère, qui un proche, qui un père ou une mère. Même ceux dont les amis ou les parents, pour diverses raisons, n’étaient pas présents n’en avaient pas moins peur ; on n’avait pas encore rapporté qui ce violent malheur avait frappé, et l’incertitude amplifiait la crainte.
102/430 [Ann] IV, 64 Incendie du Caelius et réactions diverses des Romains
L'incendie du Caelius en 27 est immédiatement interprété comme un signe de plus (avec la catastrophe de Fidènes, cf. Tac., Ann., 4.62) du mécontentement divin à l'égard de la retraite de Tibère. Cependant, cette première rumeur est stoppée par la libéralité du prince et son attention envers les victimes, ce qui donne naissance à une seconde fama, bien plus positive.
Feralemque annum ferebant et omnibus aduersis susceptum principi consilium absentiae, qui mos uulgo, fortuita ad culpam trahentes ni Caesar obuiam isset tribuendo pecunias ex modo detrimenti. Actaeque ei grates apud senatum ab inlustribus fama que apud populum, quia sine ambitione aut proximorum precibus ignotos etiam et ultro accitos munificentia iuuerat. On qualifiait cette année de funeste, en ajoutant que les éléments étaient bien contraires au prince pour qu’il prenne la résolution de s’absenter – coutume propre au peuple, ils allaient faire d’éléments dus au hasard une faute, si César ne s’y était pas opposé en faisant un don à la mesure du désastre. Grâces lui furent rendues par des hommes brillants au sénat, et par la rumeur dans le peuple : de fait, c’était sans ambition et sans répondre aux prières de ses proches qu’il avait, par sa libéralité, secouru même des inconnus qu’il avait fait venir de son propre chef.
103/430 [Ann] IV, 69 Crainte générale des accusations de lèse-majesté à Rome
L'affaire de Titius Sabinus, chevalier romain proche de la famille de Germanicus, piégé par les sbires de Séjan et accusé de crime de lèse-majesté, déclenche un climat de crainte généralisée à Rome, toute discussion semblant susceptible d'être rapportée à Séjan et à Tibère.
Non alias magis anxia et pauens ciuitas, tegens aduersum proximos ; congressus, conloquia, notae ingotaeque aures uitari  ; etiam muta atque inanima, tectum et parietes circumspectabantur . Jamais l’angoisse et la crainte n’avaient plus saisi la ville ; on se cachait de ses proches ; on évitait réunions, discussions, oreilles connues ou non ; même les choses muettes et dépourvues d’âme – les toits et les murs – sont examinées avec défiance.
104/430 [Ann] IV, 70 Titius Sabinus est mis à mort
Titius Sabinus, accusé de lèse-majesté (cf. la notice de Tac., Ann., 4.70), est conduit à son exécution ; ses imprécations publiques à travers les rues de Rome sont reprises par des citoyens anonymes, qui osent se montrer et critiquer la décision de Tibère.
Et trahebatur [Sabinus] damnatus, quantum obducta ueste et adstrictis faucibus niti poterat, clamitans sic inchoari annum, has Seiano uictimas cadere. Quo intendisset oculos, quo uerba acciderent, fuga, uastitas, deseri itinera, fora. Et quidam regrediebantur ostentabantque se rursum id ipsum pauentes quod timuissent. Quem enim diem uacuum poena, ubi inter sacra et uota, quo tempore uerbis etiam profanis abstineri mos esset, uincla et laqueus inducantur ? Non imprudentem Tiberium tantam inuidiam adisse : quaesitum meditatumque, ne quid impedire credatur quo minus noui magistratus, quo modo delubra et altaria, sic carcerem recludant . On trainait Sabinus, qui avait été condamné et qui ne cessait de crier, autant qu’il pouvait s’en efforcer avec son vêtement ramené sur sa bouche et sa gorge enchaînée, que c’était-là la manière dont commençait l’année, c’étaient-là les victimes qui tombaient pour Séjan. Où qu’il portât ses yeux, où que ses paroles arrivassent, ce n’était que fuite et dévastation : routes, forums, tout était désert. Et certains revenaient en arrière et se montraient à nouveau, s’effrayant de cela même qu’ils craignaient. Quel jour, disaient-ils, serait vide de châtiment, puisque, au milieu des sacrifices et les vœux, au moment où l’on avait coutume de s’abstenir de paroles, même profanes, l’on avait recours aux chaines et au lacet ?  Non, ce n’était pas à l’improviste que Tibère avait entrepris une action si malveillante : on l’avait débattu, on y avait réfléchi, afin que l’on ne crût pas que quelque chose pouvait empêcher les nouveaux magistrats d’ouvrir, en même temps que les temples et les autels, la porte de la prison.
105/430 [Ann] IV, 72 Début de la révolte des Frisons
En 28 ap. J.-C., les Frisons se révoltèrent contre le tribut trop lourd imposé par Rome. Tacite décrit ici leurs plaintes.
Id [tributum] aliis quoque nationibus arduum apud Germanos difficilius tolerabatur, quis ingentium beluarum feraces saltus, modica domi armenta sunt. Ac primo boues ipsos, mox agros, postremo corpora conjugum aut liberorum seruitio tradebant. Hinc ira et questus et, postquam non subueniebatur, remedium ex bello. Ce tribut, déjà lourd pour les autres peuples, était plus difficilement toléré chez les Germains qui, malgré leurs bocages fertiles en bêtes immenses, n’ont chez eux que des troupeaux de petite taille. Et c’était, pour commencer, les bœufs eux-mêmes, mais bientôt leurs champs, et enfin les corps de leurs épouses et de leurs enfants qu’ils livraient à l’esclavage ! Cette pensée provoqua des plaintes furieuses puis, lorsqu’on n’y eut pas apporté de solution, on en vint à la guerre comme à un remède. 
106/430 [Ann] IV, 73 Défaite partielle des Romains
La révolte des Frisons conduit à de lourdes pertes romaines. Tacite livre dans une petite parenthèse ethnographique le nom local d'un bois sacré.
Mox compertum a transfugis nongentos Romanorum apud lucum quem Baduhennae uocant pugna in posterum extracta confectos […]. Les déserteurs rapportent ensuite que neuf cent Romains ont péri au cours d’une bataille qui s’est prolongée jusqu’au lendemain dans le « bois de Baduhenna », ainsi qu’ils l’appellent.
107/430 [Ann] IV, 74 Déférence des sénateurs à l'égard de Tibère et Séjan
La peur collective qui règne dans l'Vrbs, et en particulier dans l'ordre sénatorial, après le déclenchement des procès pour lèse-majesté pousse les sénateurs à multiplier les marques de déférence à l'égard de Tibère et de Séjan, retirés hors de Rome.
Ita quamquam diuiersis super rebus consulerentur, aram clementiae, aram amicitiae effigiesque circum Caesaris ac Seiani censuere, crebrisque precibus efflagitabant   uisendi sui copiam facerent. Ainsi, bien que les débats portassent sur tout autre chose, les sénateurs prescrivirent un temple à la clémence, un temple à l’amitié et, tout autour, des statues de César et de Séjan ; dans leurs nombreuses prières, ils leur demandaient instamment de se laisser voir.
108/430 [Ann] V, 3 Lettre de Tibère contre Agrippine et Nero
Juste après la mort de Livie au début de l'année 29 ap. J.-C., une lettre de Tibère, retiré à Capri, fit parvenir une lettre reprochant l'attitude de sa belle-fille Agrippine et de son petit-fils, Néron. La synchronie entre la disparition de Livie et l'arrivée de la lettre à Rome donna à penser que celle-ci avait été interceptée par Livie.
Missae [a Tiberio] in Agrippinam ac Neronem litterae quas pridem adlatas et cohibitas ab Augusta credidit uulgus : haud enim multum post mortem eius recitatae sunt. Verba inerant quaesita asperitate : sed non arma, non rerum nouarum studium, amores iuuenum et impudicitiam nepoti obiectabat. In nurum ne id quidem confingere ausus, adrogantiam oris et contumacem animum incusauit, magno senatus pauore et silentio. Tibère envoya une lettre contre Agrippine et Néron ; la foule crut qu’elle avait été apportée quelque temps auparavant, mais qu’Augusta avait empêché sa publication ; en effet, il n’y eut pas longtemps entre sa mort et la lecture de la missive. Elle comportait des mots d’une dureté recherchée ; mais ce n’étaient pas des combats, pas le désir de révolution, mais bien ses aventures débauchées avec de jeunes gens qu’il reprochait à son petit-fils. Contre sa bru, il n’osait inventer une telle accusation ; il blâma néanmoins l’arrogance qui se lisait sur son visage et son caractère obstiné – le Sénat, lui, saisi d’un immense effroi, gardait le silence.
109/430 [Ann] V, 4 Manifestation de soutien pour Agrippine et Nero
À la suite de la lettre envoyée par Tibère contre Agrippine et Nero (cf. Tac., Ann., 5.3), le sénat délibéra sur l'attitude à adopter envers ces deux personnes déchues de la famille impériale. Dans le même temps, sans que l'on sache très bien comment la nouvelle fut divulguée, le peuple manifesta devant le sénat pour défendre l'intégrité d'Agrippine et de Nero, mais aussi de Tibère.
Simul populus effigies Agrippinae ac Neronis gerens circumstitit curiam faustisque in Caesarem ominibus falsas litteras et principe inuito exitium domui eius intendi clamitat. Ita nihil triste illo die patratum. Au même moment le peuple, portant les images d’Agrippine et de Néron, entoura la curie ; avec des souhaits de prospérité pour César, il ne cesse de crier que cette lettre est un faux et que c’est contre le gré du prince que l’on tente de perdre sa maison. Ainsi n’accomplit-on rien d’horrible ce jour-ci.
110/430 [Ann] V, 10 Affaire du faux Drusus
Des rumeurs circulèrent autour de l'année 31 ap. J.-C. dans les provinces orientales de l'Empire, affirmant que Drusus, le fils de Germanicus et d'Agrippine, serait en Orient pour s'emparer des légions de Syrie. En réalité, Drusus était enfermé à Rome, sur le Palatin.
Per idem tempus Asia atque Achaia exterritae sunt acri magis quam diuturno rumore. Drusum Germanici filium apud Cycladas insulas, mox in continenti uisum . Et erat iuuenis haud dispari aetate, quibusdam Caesaris libertis uelut adgnitus ; per dolumque comitantibus adliciebantur ignari, fama nominis et promptis Graecorum animis ad noua et mira : quippe elapsum custodiae pergere ad paternos exercitus, Aegyptum aut Syriam inuasurum, fingebant simul credebantque . Iam iuuentutis concursu, iam publicis studiis frequentabatur, laetus praesentibus et inanium spe, cum auditum id Poppaeo Sabino. Vers la même époque, l’Asie et l’Achaïe furent épouvantées à cause d’une rumeur dont l’ardeur dépassa la durée : on disait que Drusus, le fils de Germanicus, avait été vu dans les Cyclades, puis sur le continent. Il y avait bien un jeune homme à peu près du même âge que certains affranchis de César affectaient de reconnaître ; comme ils l’accompagnaient par ruse, ils attiraient à eux les ignorants, aidés par le renom de Drusus et par l’esprit des Grecs, qui se porte aux miracles inouïs. Il s’était échappé de sa prison pour rejoindre les armées de son père dans le but d’envahir l’Égypte ou la Syrie : voilà ce qu’ils inventaient et, dans le même temps, se mettaient à croire. Déjà, c’est la jeunesse qui accourt,  déjà, c’est l’affection publique qui l’accompagne ; lui se réjouissait de ce qui se passait et d’espoirs vains, lorsque cette affaire arriva aux oreilles de Poppéus Sabinus.
111/430 [Ann] V, 11 Discorde entre les consuls L. Fulcinius Trio et P. Memmius Regulus
Les répercussions de la chute de Séjan se firent sentir jusque entre les deux consuls suffects de l'année 31 ap. J.-C. : l'un, Trio, reprocha à l'autre, Regulus, de tarder à poursuivre les complices de l'ancien préfet du prétoire ; le second accusa le premier d'avoir participé à la conjuration. Certains sénateurs tentent une médiation.
Multisque patrum orantibus ponerent odia in perniciem itura, mansere [consules] infensi ac minitantes donec magistratu abirent. Bien que de nombreux sénateurs les implorassent de laisser de côté une haine destinée à courir à la ruine, les consuls conservèrent leur hostilité et continuèrent leurs fréquentes menaces, jusqu’à ce qu’enfin, ils quittent leur charge.
112/430 [Ann]  VI, 12 Fausses prophéties de la Sibylle
Tibère reproche à plusieurs magistrats d'avoir hâté l'admission d'un nouveau livre de prophétie de la Sibylle, sans une vérification assez importante de son authenticité.
Simul [Tiberius] commonefecit, quia multa uana sub nomine celebri [Sibullae] uulgabantur , sanxisse Augustum quem intra diem ad praetorem urbanum deferrentur neque habere priuatim liceret. Dans le même temps, Tibère rappela qu’Auguste, comme on répandait alors de nombreux textes mensongers sous le nom célèbre de la Sibylle, avait entériné le jour où ils devaient être apportés au préteur urbain, tout en interdisant de les posséder à titre privé.
113/430 [Ann] VI, 13 Crise frumentaire et plaintes du peuple
L'élévation du cours du blé provoque des plaintes, que Tibère cherche à réprimander sans s'offrir aux critiques de la plèbe. Ce fut un échec.
Isdem consulibus grauitate annonae iuxta seditionem uentum multaque et pluris per dies in theatro licentius efflagitata quam solitum aduersum imperatorem. Quis commotus incusauit magistratus patresque quod non publica auctoritate populum coercuissent addiditque quibus ex prouinciis et quanto maiorem quam Augustus rei frumentariae copiam aduectaret. Ita castigandae plebi compositum senatus consultum prisca seueritate neque segnius consules edixere. Silentium ipsius non ciuile , ut crediderat, sed in superbiam accipiebatur. Sous les mêmes consuls, il s’en fallut de peu pour que l’élévation du cours de l’annone ne provoquât une sédition ; souvent et pendant de nombreux jours, il y eut de vives sollicitations au théâtre à l’encontre de Tibère, et ce avec plus d’audace que de coutume. Cela le toucha profondément et il accusa les magistrats et le Sénat de ne pas avoir eu recours à leur autorité officielle pour tenir le peuple en bride, nommant de surcroît les provinces d’où il faisait venir le blé, et ajoutant à quel point celui-ci était plus abondant que sous Auguste. Ainsi le Sénat châtia-t-il la plèbe en rédigeant un sénatus-consulte d’une sévérité antique et les consuls publièrent-ils un édit avec la même énergie. Quant au silence du prince lui-même, on ne le considéra pas comme bienveillant, ce que lui-même avait cru : au contraire, on le prit pour de l’arrogance.
114/430 [Ann] VI, 17 Répression de l'usure
La lutte contre l'usure mène à une crise économique (manque de monnaie).
Ita primo concursatio [creditorum] et preces , dein strepere praetoris tribunal, eaque quae remedio quaesita, uenditio et emptio, in contrarium mutari , quia faenatores omnem pecuniam mercandis agris condiderant. Ainsi, ce fut d’abord de la part des prêteurs des courses effrénées pour faire entendre leurs prières ; ensuite, des bruits remplirent le tribunal du préteur, et les mesures que l’on recherchait pour remédier à la situation – la vente et l’achat – avaient un résultat contraire, puisque les usuriers avaient mis en réserve tout leur argent pour acheter des propriétés foncières.
115/430 [Ann] VI, 23 Mort d'Asinius Gallus
Asinius Gallus, accusé d'adultère avec Agrippine l'Aînée, meurt ; la façon dont Tacite rapporte le fait (mors uulgabatur) évoque peut-être une rumeur.
Isdem consulibus Asinii Galli mors uulgatur , quem egestate cibi peremptum haud dubium, sponte uel necessitate incertum habebatur. Sous les mêmes consuls, le bruit de la mort d’Asinius Gallus se répand ; on n’avait aucun doute sur la cause – l’inanition –, mais l’on se demandait s’il l’avait fait spontanément ou par nécessité.
116/430 [Ann] VI, 23 Mort de Drusus (III)
Drusus, le fils d'Agrippine et de Germanicus, décède, après avoir été enfermé pendant quatre ans dans un donjon du Palatin ; l'ordre de l'exécution est lié, selon Tacite, à la rumeur d'une réconciliation prochaine entre Tibère et le clan d'Agrippine, qui donnait sans doute des idées aux opposants de Tibère.
Mox, quia rumor incedebat fore ut nuru ac nepoti conciliaretur Caesar, saeuitiam quam paenitentiam maluit. Puis, comme la rumeur d’une réconciliation à venir entre César, sa belle-fille et son petit-fils enflait, il préféra sévir que se repentir.
117/430 [Ann] VI, 24 Le traitement de Drusus (III) par Tibère est critiqué par les sénateurs
À la suite de la mort de Drusus, le fils d'Agrippine et de Germanicus, Tibère envoya au sénat un message retraçant toutes les prises de parole suspectes ou les actions déviantes de son petit-fils. En l'absence du prince (retiré en Campanie), les sénateurs purent faire éclater leur colère et leur peur du prince, en la dissimulant toutefois sous le ton de la réprobation.
Adsitisse [Druso] tot per annos, qui uultum, gemitus, occultum etiam murmur exciperent, et potuisse auum audire, legere, in publicum promere uix fides , nisi quod Attii centurionis et Didymi liberti epistulae seruorum nomina praeferebant, ut quis egredientem cubiculo Drusum pulsauerat, exterruerat. […] Obturbabant quidem patres specie detestandi  ; sed penetrabat pauor et admiratio, callidum olim et tegendis sceleribus obscurum huc confidentiae uenisse ut tamquam dimotis parietibus ostenderet nepotem sub uerbere centurionis, inter seruorum ictus extrema uitae alimenta frustra orantem . Toutes ces années, il y avait donc eu des gens à côté de Drusus pour recueillir son expression, ses soupirs, même ses chuchotements secrets ! Et un grand-père avait donc pu entendre cela, le lire, l’exposer au public ! voilà ce que l’on aurait eu du mal à croire, n’étaient les lettres du centurion Attius et de l’affranchi Didyme qui donnaient les noms des esclaves selon que, lorsque Drusus essayait de sortir de sa chambre, ils l’avaient repoussé ou terrifié. […] Certes, les sénateurs troublaient cette lecture sous prétexte de détourner ces paroles ; mais les âmes étaient pénétrées d’une crainte mâtinée d’étonnement : cet homme, autrefois habile et secret pour cacher ses crimes, en était donc venu à ce degré de confiance que, comme s’il avait écarté les murs de sa cellule, il montrait son petit-fils fouetté par un centurion, frappé par des esclaves, implorant, en vain, le dernier repas de son existence !
118/430 [Ann] VI, 28 Apparition du phénix
L'apparition du phénix en Égypte en 34 ap. J.-C. donne l'occasion à Tacite de livrer une digression ethnographique sur cet animal extraordinaire. Une tradition est rapportée par l'intermédiaire d'une source anonyme et présentée comme orale (maxime uulgatum).
De numero annorum [phoenicis] uaria traduntur. Maxime uulgatum quingentorum spatium ; sunt qui adseuerent mille quadringentos sexaginta unum interici, prioresque alites Sesoside primum, post Amaside dominantibus, dein Ptolemaeo, qui ex Macedonibus tertius regnauit, in ciuitatem cui Heliopolis nomen aduolauisse, multo ceterarum uolucrum comitatu nouam faciem mirantium. Sed antiquitas quidem obscura : inter Ptolemaeum ac Tiberium minus ducenti quinquaginta anni fuerunt. Vnde nonnulli falsum hunc phoenicem neque Arabum e terris credidere, nihilque usurpauisse ex his quae uetus memoria firmauit . Confecto quippe annorum numero, ubi mors propinquet, suis in terris struere nidum eique uim genitalem adfundere ex qua fetum oriri  ; et primam adulto curam sepeliendi patris, neque id temere, sed sublato murrae pondere temptatoque per longum iter, ubi par oneri, par meatui sit, subire patrium corpus inque Solis aram perferre atque adolere. Sur la longévité du phénix, les traditions divergent. L’opinion la plus courante, c’est qu’il vit cinq cent ans ; mais il y en a pour assurer que cette durée est de mille quatre cent soixante-et-un ans, que les premiers de ces oiseaux, vivant sous le règne de Sésosis d’abord, puis d’Amasis, enfin de Ptolémée, troisième roi venu de Macédoine, s’étaient envolés vers la ville d’Héliopolis, accompagnés d’une foule d’autres oiseaux qui s’étonnaient de cette nouvelle apparence. Mais cette ancienneté-même est obscure : il y a eu, entre Ptolémée et Tibère, moins de deux-cent cinquante ans. D’où que certains croyaient ce phénix faux, qu’il n’était pas arabe d’origine, que son comportement n’était en rien comparable à ceux qu’une antique mémoire avait établis comme véridiques. De fait, disaient-ils, lorsqu’il est venu à la fin de sa vie, que la mort s’approche, il se construit un nid dans sa terre d’origine pour y répandre son fluide génital. De là lui naît un rejeton, dont le premier souci d’adulte est d’ensevelir son père, et cela non sans réflexion : une fois qu’il a soulevé le poids de la myrrhe et qu’il en a fait l’expérience sur de longues distances, lorsqu’il est à la hauteur du fardeau et du trajet, il soulève le corps de son père et l’amène brûler sur l’autel du Soleil.
119/430 [Ann] VI, 30 Lettre de Gaetulicus à Tibère
Lentulus Gaetulicus était gouverneur de Germanie supérieure depuis 29 ap. J.-C. En 34, sa proximité avec Séjan (il avait marié sa fille au fils du préfet du prétoire). La rumeur (fama), que Tacite juge surprenante mais qui semble bien établie, voulait qu'il avait négocié son maintien avec Tibère, le menaçant à mots couverts de se rebeller avec ses légions s'il était mis en cause. Gaetulicus était en effet très aimé des soldats de Germanie supérieure et inférieure.
Vnde fama constans ausum [Gaetulicum] mittere ad Caesarem litteras, adfinitatem sibi cum Seiano haud sponte, sed consilio Tiberii coeptam ; […] . Haec, mira quamquam, fidem ex eo trahebant quod unus omnium Seiani adfinium incolumis multaque gratia mansit, reputante Tiberio publicum sibi odium, extremam aetatem magisque fama quam ui stare res suas. D’où le bruit constant que Géticulicus avait osé envoyer une lettre à César où il affirmait qu’il n’avait pas fait le projet d’une alliance avec Séjan de lui-même, mais que c’était-là le plan de César […]. Cette lettre, quoique étonnante, tire son crédit de ce que, seul parmi les proches de Séjan, Gétulicus n’avait pas été attaqué et avait continué de bénéficier d’une grande faveur ; quant à Tibère, il considérait la haine publique à son endroit et son grand âge : c’était l’opinion, bien plus que la coercition, qui maintenait son règne.
120/430 [Ann] VI, 35 Attitude des barbares sarmates avant le combat
Lors des troubles (complexes) chez les Parthes en 35 ap. J.-C., lorsque le roi Artaban dut faire face à un complot de nobles qui demandèrent un autre roi à Rome, le fils d'Artaban, Orodès, cherche à occuper l'Arménie. Il y affronte Mithridate, le roi pro-romain d'Arménie, épaulé par son frère Pharsman, roi d'Ibérie (actuelle Géorgie), et par des auxiliaires sarmates. Ceux-ci se montrent plutôt déterminés.
Enimuero apud Sarmatas non una uox ducis  ; se quisque stimulant ne pugnam per sagittas sinerent ; impetu et comminus praeueniendum. Variae hinc bellantium species . Chez les Sarmates, au reste, il n’y a pas que la voix du chef : chacun s’exhorte à ne pas laisser le combat se régler par les flèches – il faut y prévenir par une charge au corps à corps. De là, les belligérants offraient un spectacle multiple.
121/430 [Ann] VI, 36 Rumeur semée par L. Vitellius
L. Vitellius, choisi par Tibère comme légat de Syrie pour s'occuper des affaires d'Orient, réussit à mettre en fuite Artaban (roi des Parthes, cf. la notice à Tac., Ann., 4.35) et à le forcer à se retirer d'Arménie, non par les armes (Artaban était déjà vaincu par les Ibériens), mais grâce à une rumeur.
Peritia locorum ab Hiberis melius pugnatum ; ned ideo [Artabanus] absecedebat, ni contractis legionibus Vitellius et subdito rumore tamquam Mesopotamiam inuasurus metum Romani belli fecisset. La connaissance du terrain donna un avantage aux Hibériens ; cela ne suffisait pas pour autant à pousser Artaban à la fuite, si Vitellius n’avait pas rassemblé ses légions et fait courir la rumeur qu’il allait envahir la Mésopotamie, provoquant ainsi la peur d’une entrée en guerre des Romains.
122/430 [Ann] VI, 37 Présages favorables (?) pour la campagne contre les Parthes
Lors d'une sacrifice réalisé par le légat romain de Syrie, L. Vitellius, et Tiridate, que les Romains tentent d'installer à la tête de l'Empire parthe, plusieurs prodiges, rapportés indirectement par l'intermédiaire des habitants locaux et de voix anonymes, sont interprétés de différentes façons.
Sacrificantibus [Vitellio et Tiridate] […], nuntiauere accolae Euphraten nulla imbrium ui sponte et immensum attolli, simul albentibus spumis in modum diadematis sinuare orbis auspicium prosperi transgressus. Quidam callidius interpretabantur initia conatus secunda neque diuturna, quia eorum quae terra caeloue portenderentur certior fides , fluminum instabilis natura simul ostenderet omina raperetque. Alors que Vitellius et Tiridate s’occupaient aux sacrifices […], les habitants annoncèrent que l’Euphrate, sans l’aide des pluies, spontanément, prenait des dimensions immenses et que, dans l’écume blanchissante, se formaient des cercles en forme de diadème – favorable auspice pour la traversée. Mais certains, plus habilement, donnaient cette interprétation : les débuts de la tentative seraient positifs, mais cela ne durerait pas longtemps puisque, disaient-ils, les présages de la terre ou du ciel sont assez crédibles, tandis que la nature mouvante des fleuves montre et emporte dans le même temps les signes.
123/430 [Ann] VI, 44 Retour d'Artaban sur le trône
Chassé du trône de Parthie par Tiridate, roi que les Romains ont imposé grâce aux succès militaires de L. Vitellius, Artaban, qui s'est réfugié dans le nord de l'Empire, revient sur le trône à la faveur d'un retournement de l'opinion contre son successeur. Sa rouerie et sa science de la guerre lui permettent de prendre rapidement un avantage décisif dans la campagne.
Neque [Artabanus] exuerat paedorem ut uulgum miseratione aduerteret . [...] Iamque multa manu propinqua Seleuciae aduentabat, cum Tiridates simul fama atque ipso Artabano perculsus distrahi consiliis, iret contra an bellum cunctatione tractaret. Quant à Artaban, il ne s’était pas lavé afin d’attirer l’attention de la foule par un sentiment de pitié. […] Il s’approchait déjà de la Séleucie avec une troupe d’importance, alors que Tiridate, frappé en même temps par la nouvelle de la venue d’Artaban et par sa présence elle-même, était tiraillé sur l’attitude à adopter, marcher contre lui ou faire traîner la guerre.
124/430 [Ann] XI, 6 Débats sur la rétribution des avocats
Sous Claude, les excès des accusateurs conduisent le consul désigné, C. Silius, à réclamer l'application de la lex Cincia, qui interdisait de rétribuer un défenseur. Plusieurs sénateurs, dont l'accusateur P. Suillius Rufus, se récrièrent alors.
Deinde obstrepentibus iis, quibus ea contumelia parabatur, discors Suillio Silius acriter incubuit, ueterum oratorum exempla referens qui famam et posteros praemia eloquentiae cogitauissent. Puis, comme ceux pour qui cette loi en forme de reproche se préparait s’y opposaient à grand bruit, Silius, qui était en désaccord avec Suillius, mit son énergie à maintenir la pression en prenant l’exemple des anciens orateurs : eux, disait-il, considéraient la renommée des siècles futurs comme la récompense de l’éloquence.
125/430 [Ann] XI, 11 Popularité du jeune Néron et rumeurs sur son enfance
Lors des jeux séculaires de Claude en 47 ap. J.-C., la plèbe manifesta (par des applaudissements et des cris, sans doute) toute l'affection qu'elle vouait à L. Domitius (le futur Néron), et que celui-ci héritait de son grand-père Germanicus (par sa mère Agrippine la Jeune). Selon Tacite, cette popularité était supérieure à celle du fils biologique de Claude, Britannicus. L'historien rapporte pour illustrer cette popularité la rumeur d'un prodige qui aurait marqué l'enfance de Néron.
Sedente Claudio circensibus ludis, cum pueri nobiles equis ludcrum Troiae inirent interque eos Britannicus imperatore genitus et L. Domitius adoptione mox in imperium et cognomentum Neronis adscitus, fauor plebis acrior in Domitium loco praesagii acceptus est. Vulgabatur que praefuisse infantiae eius dracones in modum custodum, fabulosa et externis miraculis adsimilata : nam ipse, haudquamquam sui detractor, unam omnino anguem in cubiculo uisam narrare solitus est . Claude présidait aux jeux du cirque, et lorsque des enfants nobles, parmi lesquels Britannicus – le fils de l’empereur – et L. Domitius – qui devait bientôt être adopté sous le nom de de Néron – attaquèrent à cheval le jeu de Troie, la faveur de la plèbe alla plutôt à Domitius : on prit cette préférence pour un présage. C’était un bruit courant que, encore nourrisson, des dragons l’avaient entouré comme une sorte de garde – propos dignes d’un conte qui prenaient la forme des prodiges étrangers : en effet, Néron lui-même, qui ne se rabaissait en rien, racontait souvent que l’on n’avait vu qu’un seul serpent dans sa chambre.
126/430 [Ann] XI, 13 Insultes du peuple au théâtre
Claude sévit contre le comportement inapproprié du peuple pendant des représentations théâtrales.
At Claudius matrimonii sui ignarus et munia censoria usurpans, theatralem populi lasciuiam seueris edictis increpuit , quod in Publium Pomponium consularem (is carmina scaenae dabat) inque feminas inlustris probra iecerat. Quant à Claude, il ignorait l’état de son mariage et usurpait la charge de censeur. Il s’en prit ainsi aux excès du peuple lors des représentations théâtrales : de fait, Publius Pomponius, un consulaire qui donnait sur scène ses poèmes, ainsi que des femmes illustres avaient été la cible d’injures.
127/430 [Ann] XI, 16 Critiques d'Italicus, roi des Chérusques
Les Chérusques avaient demandé un roi à Rome ; Claude avait envoyé Italicus, fils de Flavus et neveu d'Arminius. Son éducation romaine fut l'objet de critiques de la part d'un groupe anonyme dont Tacite rapporte les attaques.
Iamque apud proximos, iam longius clarescere [Italicus], cum potentiam eius suspectantes qui factionibus floruerant discedunt ad conterminos populos ac testificantur adimi ueterem Germaniae libertatem et Romanas opes insurgere . Adeo neminem isdem in terris ortum qui principem locum impleat, nisi exploratoris Flaui progenies super cunctos attollatur ? Frustra Arminium praescribi  : cuius si filius hostili in solo adultus in regnum uenisset, posse extimesci, infectum alimonio, seruitio, cultu, omnibus externis  ; at si paterna Italico mens esset, non alium infensius arma contra patriam ac deos penatis quam parentem eius exercuisse. Déjà chez les peuples voisins, déjà chez ceux qui vivaient plus loin, la renommée d’Italicus se précisait, lorsque sa puissance attire les soupçons des gens que les factions font vivre : ils rejoignent les populations limitrophes et attestent qu’on s’attaque à l’antique liberté des Germains, que le pouvoir de Rome s’y substitue. N’y avait-il donc vraiment personne de ce pays qui pût occuper la première place qu’on élevât au-dessus de tous la race de Flavus, cet espion ? En vain opposait-on la figure d’Arminius : même si son fils, qui avait grandi sur un sol hostile, était venu au pouvoir, on aurait pu le craindre, contaminé qu’il aurait été par l’éducation, la servitude, le mode de vie et tous les traits étrangers. Cependant – s’il était vrai qu’Italicus conservait l’esprit de son père – personne plus que Flavus n’avait mis autant de haine à porter les armes contre sa patrie et ses pénates.
128/430 [Ann] XI, 17 Réactions des Chérusques au discours d'Italicus
Dans la guerre opposant les forces légitimistes chérusques, conduites par le roi pro-romain italicus, et des dissidents (cf. notice à Tac., Ann., 11.16), le roi triompha après avoir brillamment exhorté ses troupes. Voici leurs réactions.
Adstrepebat huic [Italico] alacre uulgus  ; et magno inter barbaros proelio uictor rex, dein secunda fortuna ad superbiam prolapsus pulsusque ac rursus Langobardorum opibus refectus per laeta per aduersa res Cheruscas adflictabat. Une foule bouillante répondait par des cris ; et le roi, d’abord vainqueur dans un combat d’importance entre barbares, puis sombrant à cause de ses succès dans l’orgueil, fut renversé, et à nouveau rétabli grâce au soutien des Langobards ; victoires ou défaites, il poussait en chaque sens le destin des Chérusques.
129/430 [Ann] XI, 19 Critiques du commandement de Corbulon en Germanie
Corbulon, gouverneur de Germanie inférieure, met un terme aux désordres dus aux Chauques et à leur chef Gannascus. Cette nouvelle, qui se transmit sous la forme d'une fama à Rome (même si le texte de Tacite n'est pas parfaitement clair), attira plusieurs critiques, peut-être dans les milieux sénatoriaux.
Sed caede eius [Gannasci] motae Chaucorum mentes, et Corbulo semina rebellionis praebebat, ut laeta apud plerosque , it apud quosdam sinistra fama. Cur hostem conciret ? aduersa in rem publicam casura ; sin prospere egisset, formidolosum paci uirum insignem et ignauo principi praegrauem. Mais le meurtre de Gannascus agita l’esprit des Chauques, et Corbulon fournissait de la matière à révolte – nouvelle qui, si elle était accueillie avec joie par le plus grand nombre, suscitait le mécontentement de certains : pourquoi soulever l’ennemi ? À tous les coups, cela se retournerait contre l’État ; si, au contraire, cette manœuvre tournait bien, la paix avait à craindre d’un homme illustre  et incommode à un prince indolent.
130/430 [Ann] XI, 23 Rumeur sur l'ouverture des magistratures aux Gaulois
Claude réfléchit à permettre aux notables de Gaule Chevelue d'entrer au sénat romain. Avant de présenter les débats tenus dans le conseil restreint du prince et au sénat, Tacite mentionne (en quelques mots) la rumeur qui se répand à ce sujet dans l'Vrbs).
Multus ea super re uariusque rumor . Sur ce sujet [le droit des Gaulois à briguer les magistratures romaines], il y eut une longue rumeur aux positions diverses.
131/430 [Ann] XI, 35 Réaction des prétoriens au discours de Claude
Lorsque l'on révèle à Claude que son épouse, Messaline, a décidé d'épouser C. Silius, alors que le prince est absent de Rome, celui-ci décide, sous l'impulsion de Narcisse, de sévir ; il s'assure d'abord du soutien des prétoriens en allant les haranguer, et reçoit un accueil très favorable.
Apud quos [milites] praemonente Narcisso pauca uerba [Claudius] fecit : nam, etsi iustum, dolorem pudor impediebat . Continuus dehinc cohortium clamor nomina reorum et poenas flagitantium ; admotusque Silius tribunali non defensionem, non moras temptauit, precatus ut mors acceleraretur. Devant les soldats, introduit par Narcisse, Claude fit un bref discours ; de fait, la honte bloquait l’expression d’une douleur portant juste. De là, clameur ininterrompue des cohortes : ils demandent instamment le nom des coupables, réclament un châtiment. Conduit au tribunal, Silius ne fit pas de tentative pour se défendre ou gagner du temps, mais demanda que sa mort fût hâtée.
132/430 [Ann] XII, 5 Rumeur sur le mariage prochaine de Claude et d'Agrippine
Débarrassé de Messaline, Claude chercha à se remarier avec Agrippine (sa propre nièce), un secret de polichinelle selon Tacite, puisque la rumeur s'était emparée de l'information.
C. Pompeio, Q. Veranio consulibus, pactum inter Claudium et Agrippinam matrimonium iam fama , iam amore inlicito firmabatur ; necdum celebrare sollemnia nuptiarum audebant, nullo exemplo deductae in domum patrui fratris filiae. Sous le consulat de C. Pompeius et de Q. Veranius, le mariage qui avait été décidé entre Claude et Agrippine était tantôt confirmé par la rumeur, tantôt par leur amour illicite ; mais ils n’osaient pas encore annoncer de manière solennelle les noces, car il n’y avait aucun précédent d’un oncle qui épousât la fille de son frère.
133/430 [Ann] XII, 7 Une foule réclame l'union de Claude et d'Agrippine
Grâce à l'aide de L. Vitellius (cf. Tac., Ann., 12.5-6), Claude réussit à légitimer son mariage avec Agrippine (qui n'était pas légal, s'agissant de sa propre nièce). Après un discours habile de Vitellius au sénat, certains sénateurs rejoignirent des plébéiens qui attendaient hors de la curie pour pousser le prince à conclure l'union.
Haud defuere qui certatim, si cunctaretur Caesar, ui acturos testificantes erumperent curia. Conglobatur promisca multitudo populumque Romanum eadem orare clamitat. Il n’en manqua pas pour affirmer à l’envi en se précipitant hors du Sénat que, si César venait à hésiter, ils le forceraient à agir. Une multitude mêlée s’attroupait : elle ne cesse de crier que le peuple Romain appelle lui aussi ce projet de ses vœux.
134/430 [Ann] XII, 8 Commentaires ironiques sur le mariage de Claude et Agrippine
Sous la forme du commentaire anonyme, Tacite rapporte les propos sarcastiques de certains Romains face aux mesures prises par Claude pour permettre son mariage officiel (mais apparemment déjà consommé) avec Agrippine.
Addidit Claudius sacra ex legibus Tulli regis piaculaque apud lucum Dianae per pontifices danda, inridentibus cunctis quod poenae procurationesque incesti id temporis exquirerentur . Claude ajouta que les pontifes donneraient dans le bois de Diane les cérémonies religieuses et les sacrifices expiatoires prévus par les lois du roi Tullius – tous riaient de ce que l’on ait attendu ce moment pour châtier et expier l’inceste.
135/430 [Ann] XII, 21 Beau mot de Mithridate devant Claude
Mithridate, roi détrôné du Bosphore, avait tenté de reprendre son trône à son frère Cotys, mais avait échoué ; il est amené à Rome, où il fait preuve d'une certaine dignité face à Claude. Ses mots se diffusent largement, sous la forme, peut-être, d'une rumeur, sans que l'on sache exactement comment.
Traditus posthac Mithridates uectusque Romam per Iunium Cilonem, procuratorem Ponti, ferocius quam pro fortuna disseruisse apud Caesarem ferebatur, elataque uox eius in uulgum hisce uerbis : « Non sum remissus ad te, sed reuersus : uel si non credis, dimitte et quaere. » Mithridate fut ensuite livré et amené à Rome par Junius Cilo, procurateur du Pont ; on rapporta que, devant César, il s’était exprimé avec plus d’audace que ne l’autorisait sa fortune. Sa parole fut divulguée dans la foule sous ces mots : « Je n’ai pas été renvoyé à toi, mais j’y suis revenu : et si tu ne me crois pas, laisse-moi partir et essaie de me retrouver. »
136/430 [Ann] XII, 29 Rumeur sur la fortune de Vannius, roi des Quades
Vannius avait été imposé comme roi des Quades par Drusus (II) ; sous le règne de Claude, ses ennemis cherchèrent à le renverser, aidés par des peuples voisins convaincus de l'extrême richesse de son royaume.
Nam uis innumera , Lugii aliaeque gentes, aduentabant, fama ditis regni, quod Vannius triginta per annos praedationibus et uectigalibus auxerat. En effet, une multitude innombrable (des Lugiens et d’autres peuples) était venu à cause du bruit qui courait sur la richesse du royaume : de fait, Vannius avait, pendant trente ans, augmenté son capital à force de rapines et d’impôts.
137/430 [Ann] XII, 34 Réaction des Bretons au discours de Caratacus
En 51 ap. J.-C., Caratacus mena la résistance bretonne à l'impérialisme romain en Bretagne, relancé par Claude. Avant d'affronter le propréteur romain P. Ostorius Scapula, il livre un discours d'exhortation à ses troupes, qui réagissent avec ferveur.
Haec et talia dicenti [Carataco] adstrepere uulgus , gentili quisque religione obstringi, non telis, non uulneribus cessuros. À ces propos et d’autres semblables de Caratacus, la foule répondait par des cris : chacun garantissait sur les croyances de son peuple à ne pas céder aux traits et aux blessures.
138/430 [Ann] XII, 35 Réaction des Romains au « non-discours » de P. Ostorius
Les cris enthousiastes des Bretons après le discours de leur chef Caratacus (cf. Tac., Ann., 12.34) déstabilisèrent le propréteur romain P. Ostorius, mais sa propre armée réagit efficacement en prenant collectivement en charge l'hortatio, du moins dans la version narrée par Tacite.
Obstupefecit ea alacritas ducem Romanum ; simul obiectus amnis, additum uallum, imminentia iuga, nihil nisi atrox et propugnatoribus frequens terrebat. Sed miles proelium poscere , cuncta uirtute expugnabilia clamitare ; praefectique et tribuni paria disserentes ardorem exercitus intendebant . Cette ardeur paralysa le chef romain ; dans le même temps, le fleuve qui coulait au milieu, le retranchement qui avait été ajouté, les sommets menaçants, l’environnement absolument terrible et rempli de combattants, tout cela le terrifiait. En revanche, les soldats réclamaient le combat, criaient que rien ne saurait résister à leur bravoure ; les préfets et les tribuns, qui tenaient les mêmes propos, essaient de gonfler l’ardeur de l’armée.
139/430 [Ann] XII, 39 Rumeur sur l'extermination prochaine des Silures
L'opiniâtreté des Silures (cf. Tac., Ann., 12.34) menés par Caratacus s'explique, selon Tacite, par un mot de P. Ostorius qui circule chez eux, sans doute sous forme de rumeur (uulgare), et selon lequel ce peuple devait être exterminé.
Ac praecipua Silurum peruicacia, quos accendebat uulgata imperatoris Romani uox, ut quondam Sugambri excisi aut in Gallias traiecti forent, ita Silurum nomen penitus extinguendum. L’opiniâtreté des Silures, remarquable, était accentuée par cette parole du général romain qui se répandait chez eux : de même qu’autrefois, avait-il dit, les Sicambres avaient été tués ou déportés en Gaule, la nation des Silures devait être complètement exterminée.
140/430 [Ann] XII, 40 Rumeurs exagérées sur les victoires bretonnes
Après la mort de P. Ostorius, propréteur romain en Bretagne, les nouvelles des défaites romaines, qui circulaient sous la forme de rumeurs (fama) furent exagérées pour effrayer le nouveau gouverneur, A. Didius.
Aucta et apud hostis [sc. Silures] eius rei [sc. uictoriae] fama , quo uenientem ducem exterrerent, atque illo augente audita, ut maior laus compositis et, si durauissent, uenia iustior tribueretur. La rumeur de cette victoire se répandait chez les ennemis pour faire peur à ce chef qui arrivait ; mais celui-ci augmentait aussi ce qu’il entendait afin que, s’il réglait l’affaire, sa gloire soit plus grande et que, si les opérations s’éternisaient, on lui accorde plus légitimement le pardon.
141/430 [Ann] XII, 43 Mécontentement contre Claude à Rome
Tacite rapporte dans ce chapitre divers prodiges qui eurent lieu en 51 ap. J.-C., mais en vient rapidement à des problèmes d'ordre naturel qui eurent des conséquences sociales dans l'Vrbs. Le mécontentement populaire contre Claude s'exerça physiquement et verbalement.
Multa eo anno prodigia euenere . Insessum diris auibus Capitolium, crebris terrae motibus prorutae domus ac, dum latius metuitur , trepidatione uulgi inualidus quisque obtriti ; frugum quoque egestas et orta ex eo fames in prodigium accipiebatur. Nec occulti tamen questus , sed iura reddentem Claudium circumuasere clamoribus turbidis , pulsum in extremam fori partem ui urgebant, donec militum globo infensos perrupit. De nombreux prodiges advinrent cette année-là. Des oiseaux de mauvais augure se posèrent sur le Capitole, de nombreux tremblements de terre renversèrent des maisons et, la crainte se propageant, les mouvements de foule firent que des personnes faibles furent écrasées. Le manque de blé et la famine qui en résultait passaient aussi pour des prodiges. Au reste, ce n’étaient pas même des plaintes secrètes : alors qu’il rendait la justice, la foule, avec des clameurs violentes, entoura Claude, le poussa à l’extrémité du Forum, le serrant de près avec violence, jusqu’à ce que, enfin, grâce à un groupe de soldats, il put se frayer un chemin à travers ces séditieux.
142/430 [Ann] XII, 46 Pollio piège Mithridate
Mithridate, roi d'Arménie restauré par les Romains en 42 ap. J.-C., doit faire face à la trahison de son frère Pharasmane, roi d'Ibérie, qui cherche à installer son fils Radamiste sur le trône d'Arménie. Le roi légitime est d'abord protégé par les Romains, mais Caellius Pollio, commandant des troupes romaines sur place, se laisse corrompre et, par l'intermédiaire des soldats, pousse Mithridate à accepter une entrevue (fatale) avec Radamiste.
Augetur flagitii merces et Pollio occulta corruptione impellit milites ut pacem flagitarent seque praesidium omissuros minitarentur. On augmente le prix de la trahison et Pollio, menant des actes de corruption secrets, pousse les soldats à réclamer la paix et à menacer de quitter le fort.
143/430 [Ann] XII, 47 Réactions de la foule à la déchéance de Mithridate
Capturé par Radamiste (cf. la notice à Tac., Ann., 12.46), Mithridate est jugé par la foule : une partie le vilipende, tandis qu'une autre le prend en pitié.
Ac compede, quod dedecorum barbaris, trahebatur [Mithridates] ; mox quia uulgus duro imperio habitum , probra ac uerbera intentabat. Et erant contra qui tantam fortunae commutationem miserarentur , secutaque cum paruis liberis coniunx cuncta lamentatione complebat. Et c’est avec ses entraves – motif de déshonneur chez les barbares – que Mithridate est amené ; bientôt la foule, parce qu’elle était aux mains d’un pouvoir cruel, l’accable d’insultes et de coups. À l’inverse, il y en avait pour s’émouvoir d’un tel renversement de fortune ; quant à sa femme, qui le suivait avec ses enfants, elle emplissait toute la scène de ses lamentations.
144/430 [Ann] XII, 49 Rumeur sur la corruption de Julius Paelignus
Suite à la guerre entre l'Arménie et l'Ibérie (cf. la notice à Tac., Ann., 12.46), le procurateur de Cappadoce, Julius Paelignus, se laisse à son tour corrompre par Radamiste et lui sert de garant pour son couronnement comme roi d'Arménie.
Donis eius [Radamisti] euictus [Paelignus] ultro regium insigne sumere cohortatur sumentique adest auctor et satelles. Quod ubi turpi fama diuulgatum , ne ceteri quoque ex Paeligno coniectarentur, Heluidius Priscus legatus cum legione mittitur rebus turbidis pro tempore ut consuleret. Une fois corrompu par Radamiste, Paelignus prend sur lui de l’exhorter à se saisir de l’insigne royal, et l’assiste pendant l’acte comme garant et garde du corps. Lorsque cette nouvelle se fut honteusement répandue, pour éviter que l’on ne se fît sur les autres Romains une opinion fondée sur Paelignus, le légat Helvidius Priscus est envoyé avec une légion pour pallier cette situation troublée selon les circonstances.
145/430 [Ann] XII, 52 Rumeurs divergentes sur la mort de Furius Scribonianus
Furius Scribonianus est accusé d'avoir consulté des astrologues pour connaître la date de mort de Claude et exilé. Sa mort reste mystérieuse pour Tacite.
Neque tamen exuli [Scriboniano] longa posthac uita fuit : morte fortuita an per uenenum extinctus esset, ut quisque credidit , uulgauere . Sa vie d’exilé ne se prolongea pas longtemps après son procès ; sa mort fut-elle due au hasard ? ou mourut-il empoisonné ? Selon les opinions de chacun, les deux bruits circulèrent.
146/430 [Ann] XII, 68 Manœuvres d'Agrippine à la mort de Claude
À la mort de Claude, le 13 octobre 54 ap. J.-C., Agrippine manœuvra avec finesse en dissimulant le décès de l'empereur, comme Livie avant elle avec Auguste (cf. la notice à Tac., Ann., 1.5), en contrôlant les nouvelles données (sous forme de fama) et en empêchant Britannicus, Antonia et Octavie de sortir.
Antoniam quoque et Octauiam sorores eius [Britannici] [Agrippina] attinuit, et cunctos aditus custodiis clauserat , crebroque uulgabat ire in melius ualetudinem principis, quo miles bona in spe ageret tempusque prosperum ex monitis Chaldaeorum aduentaret. Agrippine tint aussi à l’écart Antonia et Octavie, les sœurs de Britannicus, et elle avait fait fermer toutes les voies d’accès par des gardes ; elle répandait souvent des nouvelles sur l’amélioration de la santé du prince pour que les soldats gardent bon espoir en attendant que les Chaldéens déterminent un moment favorable.
147/430 [Ann] XII, 69 Salutation impériale de Néron
Suite aux manoeuvres d'Agrippine à la mort de Claude (cf. notice à Tac., Ann., 12.68), Néron est conduit au camp des prétoriens, où il est salué empereur, malgré la réticence vite écartée de certains soldats, ostensiblement minoritaires.
Ibi [apud cohortem ] monente praefecto faustis uocibus exceptus [Nero] inditur lecticae . Dubitauisse quosdam ferunt, respectantis rogitantisque ubi Britannicus esset  ; mox nullo in diuersum auctore quae offerebantur secuti sunt . Inlatus castris Nero et congruentia tempori praefatus, promisso donatiuo ad exemplum paternae largitionis, imperator consalutatur. Devant la cohorte de garde, sur l’exhortation du préfet du prétoire, Néron est accueilli par des paroles favorables puis placé dans une litière. On rapporte que certains hésitèrent, se retournèrent et demandèrent où était Britannicus ; ensuite, comme personne ne les guidait pour se comporter autrement, ils suivirent ce qu’on leur proposait. Amené au camp, Néron commença par faire un discours conforme aux circonstances ; puis, comme il avait promis une gratification à l’aune de ce dont les avait gratifiés son père, il est salué empereur.
148/430 [Ann] XIII, 1 Rumeur sur la légitimité de Néron et de Julius Silanus
Dans les premiers jours du règne de Néron, une partie de l'opinion publique semble avoir pris parti pour M. Julius Silanus, issu d'une famille illustre, contre le nouvel empereur. Ces rumeurs poussèrent Agrippine à faire assassiner le rival.
Verum Agrippina fratri eius [Iunii Silani] L. Silano necem molita ultorem metuebat, crebra uulgi fama anteponendum esse uixdum pueritiam egresso Neroni et imperium per scelus adepto uirum aetate composita, insontem, nobilem et, quod tunc spectaretur , e Caesarum posteris : quippe et Silanus diui Augusti abnepos erat. Haec causa necis. Mais Agrippine, qui avait ourdi le crime de L. Silanus, le frère de Junius Silanus, craignait en celui-là un vengeur ; fréquente, aussi, dans la foule, la rumeur qu’il fallait préférer à un Néron à peine sorti de la jeunesse et qui avait obtenu l’Empire par le crime un homme d’un âge mûr, innocent, noble et – on observait alors cette caractéristique – qui descendait des Césars. De fait, Silanus aussi était l’arrière-petit-fils du divin Auguste. La voilà, la cause du meurtre.
149/430 [Ann] XIII, 3 Rires lors de l'oraison funèbre de Claude
L'oraison funèbre de Claude, prononcée par Néron mais écrite par Sénèque, le décalage entre le contenu du discours et l'empereur mort déclencha des rires dans l'assemblée.
Postquam [Nero] ad prouidentiam sapientiamque [Claudii] flexit, nemo risui temperare , quamquam oratio a Seneca composita multum cultus praeferret, ut fuit illi uiro ingenium amoenum et temporis eius auribus accommodatum. Après que Néron en fut venu à la sagesse et à l’intelligence de Claude, personne ne réprima un rire, quoique le discours eût été écrit par Sénèque et présentait beaucoup de recherche, étant donné la nature de cet homme, charmante et adaptée aux oreilles de cette époque.
150/430 [Ann] XIII, 6-7 Rumeurs sur les affaires parthes
À la fin de l'année 54 ap. J.-C., les Parthes, sous la conduite de Vologèse, menèrent une expédition militaire contre l'Arménie de Rhadamiste. Cet événement suscita des rumeurs à Rome, d'abord informatives, puis critiquant l'inexpérience militaire du jeune Néron, qui venait de succéder à Claude.
Fine anni turbidis rumoribus prorupisse rursum Parthos et rapi Armeniam adlatum est , pulso Radamisto, qui saepe regni eius potitus, dein profugus, tum bellum quoque deseruerat . Igitur in urbe sermonum auida , quem ad modum princeps uix septem decem annos egressus suscipere eam molem aut propulsare posset, quod subsidium in eo, qui a femina regeretur, num proelia quoque et obpugnationes urbium et cetera belli per magistros administrari possent, anquirebant. Contra alii disserunt melius euenisse, quam si inualidus senecta et ignauia Claudius militiae ad labores uocaretur, seruilibus iussis obtemperaturus. Burrum tamen et Senecam multa rerum experientia cognitos ; et imperatori quantum ad robur deesse, cum octauo decimo aetatis anno Cn. Pompeius, nono decimo Caesar Octauianus ciuilia bella sustinuerint ? Pleraque in summa fortuna auspiciis et consiliis quam telis et manibus geri. Daturum plane documentum, honestis an secus amicis uteretur, si ducem amota inuidia egregium quam si pecuniosum et gratia subnixum per ambitum deligeret . (7) Haec atque talia uulgantibus, Nero et iuuentutem proximas per prouincias quaesitam supplendis Orientis legionibus admouere legionesque ipsas propius Armeniam collocari iubet. À la fin de l’année, des rumeurs confuses rapportèrent que les Parthes avaient une nouvelle fois fait une sortie et que l’Arménie était dévastée ; Radamiste, en outre, avait été chassé, disait-on, lui qui avait souvent alterné le pouvoir et la fuite de ce royaume, mais qui avait aussi alors abandonné la guerre. Par conséquent, dans une ville avide de conversations, on s’interrogeait : comment un prince qui avait à peine dépassé sa dix-septième année pouvait-il soutenir ou écarter ce poids ? Quel soutien dans un enfant encore dirigé par une femme ? Pouvait-on aussi régler batailles, sièges et autres affaires de guerre par des intermédiaires ? D’autres leur opposaient que les événements étaient plus favorables que si cela avait été Claude qui, affaibli par une vieillesse indolente, avait été appelé aux travaux militaires, lui qui aurait obéi aux ordres de ses esclaves. Là, c’étaient Burrus et Sénèque, connus pour leur grande expérience. Que l’empereur manquait-il de forces, alors que Cn. Pompée, à dix-huit ans, et César Octavien, à dix-neuf, avaient soutenu les guerres civiles ? Quand il s’agit des situations les plus hautes, le cours des choses est, le plus souvent, dicté par la foi et la raison, plutôt que par les armes et les combats. Il en donnera, oui, des preuves de ses allégeances envers le parti de l’honnêteté plus qu’à celui de ses amis s’il choisit un chef pour sa valeur et sans tenir compte de la jalousie, au lieu d’avoir recours à l’intrigue pour en prendre un de riche et de confiant en son crédit. (7) Alors que se répandaient ces propos et d’autres du même genre, Néron ordonne d’employer la jeunesse mobilisée dans les provinces environnantes à compléter les légions d’Orient et de surcroît de placer les légions elles-mêmes plus près de l’Arménie.