Clemens, un esclave d'Agrippa Postumus (petit-fils d'Auguste, fils d'Agrippa et de Julia), se fait passer pour son maître, mort en 14 ap. J.-C., pour tenter de prendre le pouvoir. Sa stratégie repose en grande partie sur la maîtrise des rumeurs et informations alternatives, qui courent en Italie et à Rome. |
[Clemens] ignotis locis sese abdit, donec crinem barbamque promitteret : nam aetate et forma haud dissimili in dominum erat. Tum per idoneos et secreti eius socios crebrescit uiuere Agrippam, occultis primum sermonibus , ut uetita solent, mox uago rumore apud inperitissimi cuiusque promptas auris aut rursum apud turbidos eoque noua cupientis. Atque ipse adire municipia obscuro diei, neque propalam aspici, neque diutius isdem locis, sed quia ueritas uisu et mora , falsa festinatione et incertis ualescunt, relinquebat famam aut praeueniebat. (40) Vulgabatur interim per Italiam seruatum munere deum Agrippam, credebatur Romae ; iamque Ostiam inuectum 5multitudo ingens, iam in urbe clandestini coetus celebrabant , cum Tiberium anceps cura distrahere , uine militum seruum suum coerceret an inanem credulitatem tempore ipso uanescere sineret. |
[Clemens] se retire dans des lieux inconnus, le temps de se laisser pousser les cheveux et la barbe : de fait, il était proche en âge et en apparence de son maître. Alors grâce à des personnes compétentes qui partagent son secret se répand le bruit qu’Agrippa est en vie, d’abord dans des discussions secrètes, comme d’ordinaire pour les sujets tabous, puis via une rumeur mouvante qui s’accrédite auprès des oreilles bien disposées des gens les moins informés ou, au contraire, d’une frange agitée et, pour cette raison, avide de changements. Quant à lui, il allait dans les municipes au crépuscule sans se montrer publiquement ni rester longtemps au même endroit ; mais puisque la vérité a besoin de lumière et de délai pour s’affermir, alors que le mensonge ne demande que l’empressement et l’incertitude, il laissait derrière lui les on-dit ou les devançait. Le bruit se répandait pendant ce temps en Italie qu’une faveur divine avait sauvé Agrippa, et on le croyait à Rome ; déjà, une immense foule le célébrait à son arrivée à Ostie ; de même à Rome dans des réunions secrètes. Un double souci faisait hésiter Tibère : emploierait-il la force militaire pour maîtriser un esclave qui était sien ou laisserait-il à l’œuvre du temps le soin de disperser cette vaine croyance ? |