Ce site permet de parcourir et d'interroger une base de données regroupant les différentes vocalisations collectives dans l'oeuvre de l'historien romain Tacite.
Cette base de données est la production et le principal instrument de travail de Louis Autin, doctorant à l'Université Grenoble Alpes et à l'Universität Osnabrück, actuellement ATER de latin à l'Université Grenoble Alpes. Elle a été construite dans le cadre d'une thèse de doctorat en Lettres classiques et Histoire ancienne (soutenue le 23/11/2019), intitulée Voix de la Foule chez Tacite. Perspectives littéraires et historiques sur la communication collective au début de l'Empire, sous la direction conjointe de Mme Isabelle Cogitore (P.U. Langue et Littérature latines, UGA) et Mme Christiane Kunst (Pr. Dr. Alte Geschichte, Universität Osnabrück).
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La structure de notre base de données, encore en cours d'élaboration, s'articule autour de trois ensembles.
La principale table contient notre corpus, constitué à partir de la lecture exhaustive des oeuvres de Tacite.
Ce sont 430 passages, qui comportent un titre, un bref résumé, une traduction personnelle et des notes
(visibles seulement par l'administrateur).
Subordonnées à cette table contenant le corpus général se trouvent deux autres types d'information :
Le présent site, élaboré par un non-spécialiste, vise à la simplicité et à l'efficacité. Il fournit trois types d'outils pour manipuler une base de données conséquente, que les interfaces traditionnelles, fussent-elles simples (Word, Excel, suite OpenOffice) ou plus avancées (Filemaker), ne semblaient pas parvenir à interroger pertinemment pour les besoins de cette thèse.
Tout d'abord, un affichage "simple" du corpus. Personnisable en nombre d'entrées par page, cette interface s'efforce non seulement de présenter les extraits de manière cohérente (titrés, brièvement resitués dans leur contexte, etc.), mais aussi de donner directement à lire, par un code couleur, les éléments du texte latin renvoyant aux principaux aspects de notre travail. S'affichent ainsi en jaune les termes référant à la voix, en rouge les termes renvoyant à la foule (pas dans la version actuelle), et en vert, le cas échéant, le discours indirect qui lui est prêté.
Ensuite, une fonction de recherche dans la base de données. Actuellement, seules des requêtes simples peuvent être lancées ; à terme, il sera possible d'interroger le corpus sur le texte du corpus (texte latin de Tacite, traduction, titre...), ou sur les deux axes de recherche de notre thèse, à savoir les bruits et les foules, à chaque fois avec une grande profondeur de choix (critères syntaxiques, grammaticaux, contextuels, etc.).
Enfin, une série d'outils, encore en cours d'élaboration. Ceux-ci permettront d'afficher, par exemple, toutes les rumeurs contenues dans l'oeuvre de Tacite (telles que définies dans le travail de thèse lui-même), ou d'observer la répartition des expressions de la foule en fonction des livres de Tacite.
Nous remercions d'avance les utilisateurs de nous faire remonter les éventuels dysfonctionnements à l'adresse spécifiée dans le pied-de-page.
Cette thèse intitulée Voix de la foule chez Tacite. Perspectives littéraires et historiques sur la communication collective au
début de l'Empire analyse sous différentes perspectives les formes de la voix collective chez Tacite. Souvent
réduites par l’historien à un simple son dérangeant, les voix de foule engagent des problématiques
diverses (sociopolitiques, historiographiques, littéraires) qui ne sont pas indépendantes les unes des
autres mais forment un système de représentation. Méthodologiquement, nous ne dissocions donc pas
l’approche littéraire et l’approche l’historique et cherchons à montrer comment des faits sociaux comme
la communication des masses sont encodés dans le récit.
Voici un résumé suivant le plan du travail.
La première des trois parties trouve son unité dans l’analyse lexicographique du vocabulaire politique
de Tacite, en commençant par le concept de foule (chapitre 1). On y voit surtout que uulgus (uulgus
urbanum ou uulgus militum) renvoie à un type de foule particulier, celle qui, par sa voix, devient l’un
des acteurs principaux du régime impérial. Deux études de cas (les foules dans les mutineries du livre I
des Annales ; la foule dans l’épisode de la répudiation d’Octavie) ancrent l’analyse dans l’étude suivie
du texte tacitéen.
Le chapitre 2 étudie la clameur, définie comme communication verticale entre la foule et
l’individu. Après avoir relevé les caractéristiques formulaires de l’écriture tacitéenne, nous montrons
que le cri collectif a constitué pour l’historien un puissant outil de caractérisation des foules et a servi à
l’élaboration de l’historia ornata, via des déplorations pathétiques et des hypotyposes.
La deuxième partie étudie au plan historique le phénomène de la rumeur, dont l’œuvre de Tacite
constitue un réceptacle exceptionnel. Dans le chapitre 3, nous définissons la rumeur comme média : au-
delà des stéréotypes, le phénomène peut être caractérisé par son mode particulier (réticulaire et
exponentiel) de transmission de l’information, qui l’oppose aux médias traditionnels et aristocratiques.
Le chapitre 4 adopte une approche interactionniste : il s’agit de déterminer où, quand, comment et par qui
s’échangeaient les rumeurs, en nous focalisant sur les réseaux de sociabilité (urbains tout autant que
militaires) qui leur permettaient de circuler.
Le chapitre 5 replace la rumeur dans le « paysage médiatique », à Rome et dans les camps militaires, et interroge la relation
entre les bruits publics et les autres canaux de
communication, notamment les médias de l’officialité. Si la situation la plus récurrente est celle d’une
rivalité entre la foule et les autorités autour de l’acquisition de l’information, une autre configuration se
trouve de manière régulière dans les sources : la rumeur permettait d’assurer la dissémination d’une
information officielle auprès du grand nombre, au-delà des lieux d’interaction ritualisés entre la masse
et le pouvoir. Dans ces trois chapitres, l’assise documentaire est élargie aux textes et auteurs de la fin de
la République et du Haut-Empire.
Nous retournons ensuite au seul Tacite (troisième partie) pour synthétiser les différentes fonctions
littéraires qu’assume la rumeur chez lui, en interrogeant leur rapport avec les propriétés historiques du
phénomène. Le chapitre 6 propose une analyse des fonctions narratologiques de la rumeur, certaines
connues (la rumeur comme insinuation ou comme support du portrait), d’autres plus neuves (la rumeur
comme embrayeur de transition).
Dans le chapitre 7, nous élargissons le cadre en observant le lien de la
rumeur à la causalité historique : certains bruits, de forme chorale, semblent détachés des événements et
permettent de faire résonner une contre-histoire au sein du récit tacitéen (histoire des émotions, voire
histoire contrefactuelle). La fin de ce dernier chapitre se penche sur la problématique de l’utilisation des
rumeurs comme sources par Tacite.
Après une conclusion ouvrant sur des perspectives sociocritiques dans l’analyse du discours collectif
tacitéen, on trouve deux annexes : un état de la question détaillé portant sur la rumeur dans les sciences de l’Antiquité,
et une étude lexico-syntaxique complète des rumeurs tacitéennes.