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Voix de la Foule chez Tacite

Extemplo Libyae magnas it Fama per urbes, / Fama, malum qua non aliud velocius ullum [...]

(Virgile, Énéide, 4.173-174)

Illustration médiévale de la Fama

Illustration de l'édition Brant de l'Énéide, Strasbourg 1502

Accueil : le projet

Ce site permet de parcourir et d'interroger une base de données regroupant les différentes vocalisations collectives dans l'oeuvre de l'historien romain Tacite.

Cette base de données est la production et le principal instrument de travail de Louis Autin, doctorant à l'Université Grenoble Alpes et à l'Universität Osnabrück, actuellement ATER de latin à l'Université Grenoble Alpes. Elle a été construite dans le cadre d'une thèse de doctorat en Lettres classiques et Histoire ancienne (soutenue le 23/11/2019), intitulée Voix de la Foule chez Tacite. Perspectives littéraires et historiques sur la communication collective au début de l'Empire, sous la direction conjointe de Mme Isabelle Cogitore (P.U. Langue et Littérature latines, UGA) et Mme Christiane Kunst (Pr. Dr. Alte Geschichte, Universität Osnabrück).

Cliquez sur les titres ci-dessous pour afficher le contenu.

Présentation de la base de données

La structure de notre base de données, encore en cours d'élaboration, s'articule autour de trois ensembles.
La principale table contient notre corpus, constitué à partir de la lecture exhaustive des oeuvres de Tacite. Ce sont 430 passages, qui comportent un titre, un bref résumé, une traduction personnelle et des notes (visibles seulement par l'administrateur).
Subordonnées à cette table contenant le corpus général se trouvent deux autres types d'information :

  • un premier ensemble regroupera bientôt tous les bruits émis par ces foules, également complétés par l'étiquetage de leurs différentes caractéristiques à la fois formelles (on ajoutera à la liste du point précédent les critères narratologiques, notamment concernant les discours indirects) et de fond.
  • un second ensemble (pas encore consultable) regroupe les différents types de foule qui sont présents dans les entrées du corpus et les étiquette selon des critères lexicaux (quels termes les désignent, sous quelle forme morpho-syntaxique, etc.) et sémantiques (qui compose cette foule, où se regroupe-t-elle, dans quelles conditions, etc.).
D'un point de vue technique, ces deux groupes sont en réalité à leur tour subdivisés en sous-tables qui contiennent les informations évoquées.

Le texte retenu est celui des Collections des Universités de Françe (CUF). Toutes les traductions présentées sont personnelles. Elles doivent être considérées comme des traductions de travail et ne constituent pas une fin en soi. La traduction personnelle nous a cependant permis de mettre en évidence la cohérence du lexique des foules, des rumeurs et des clameurs chez Tacite : voilà pourquoi elle est présentée ici.

Présentation du site

Le présent site, élaboré par un non-spécialiste, vise à la simplicité et à l'efficacité. Il fournit trois types d'outils pour manipuler une base de données conséquente, que les interfaces traditionnelles, fussent-elles simples (Word, Excel, suite OpenOffice) ou plus avancées (Filemaker), ne semblaient pas parvenir à interroger pertinemment pour les besoins de cette thèse.

Tout d'abord, un affichage "simple" du corpus. Personnisable en nombre d'entrées par page, cette interface s'efforce non seulement de présenter les extraits de manière cohérente (titrés, brièvement resitués dans leur contexte, etc.), mais aussi de donner directement à lire, par un code couleur, les éléments du texte latin renvoyant aux principaux aspects de notre travail. S'affichent ainsi en jaune les termes référant à la voix, en rouge les termes renvoyant à la foule (pas dans la version actuelle), et en vert, le cas échéant, le discours indirect qui lui est prêté.

Ensuite, une fonction de recherche dans la base de données. Actuellement, seules des requêtes simples peuvent être lancées ; à terme, il sera possible d'interroger le corpus sur le texte du corpus (texte latin de Tacite, traduction, titre...), ou sur les deux axes de recherche de notre thèse, à savoir les bruits et les foules, à chaque fois avec une grande profondeur de choix (critères syntaxiques, grammaticaux, contextuels, etc.).

Enfin, une série d'outils, encore en cours d'élaboration. Ceux-ci permettront d'afficher, par exemple, toutes les rumeurs contenues dans l'oeuvre de Tacite (telles que définies dans le travail de thèse lui-même), ou d'observer la répartition des expressions de la foule en fonction des livres de Tacite.

Nous remercions d'avance les utilisateurs de nous faire remonter les éventuels dysfonctionnements à l'adresse spécifiée dans le pied-de-page.

Présentation de la thèse

Cette thèse intitulée Voix de la foule chez Tacite. Perspectives littéraires et historiques sur la communication collective au début de l'Empire analyse sous différentes perspectives les formes de la voix collective chez Tacite. Souvent réduites par l’historien à un simple son dérangeant, les voix de foule engagent des problématiques diverses (sociopolitiques, historiographiques, littéraires) qui ne sont pas indépendantes les unes des autres mais forment un système de représentation. Méthodologiquement, nous ne dissocions donc pas l’approche littéraire et l’approche l’historique et cherchons à montrer comment des faits sociaux comme la communication des masses sont encodés dans le récit.
Voici un résumé suivant le plan du travail.

La première des trois parties trouve son unité dans l’analyse lexicographique du vocabulaire politique de Tacite, en commençant par le concept de foule (chapitre 1). On y voit surtout que uulgus (uulgus urbanum ou uulgus militum) renvoie à un type de foule particulier, celle qui, par sa voix, devient l’un des acteurs principaux du régime impérial. Deux études de cas (les foules dans les mutineries du livre I des Annales ; la foule dans l’épisode de la répudiation d’Octavie) ancrent l’analyse dans l’étude suivie du texte tacitéen.
Le chapitre 2 étudie la clameur, définie comme communication verticale entre la foule et l’individu. Après avoir relevé les caractéristiques formulaires de l’écriture tacitéenne, nous montrons que le cri collectif a constitué pour l’historien un puissant outil de caractérisation des foules et a servi à l’élaboration de l’historia ornata, via des déplorations pathétiques et des hypotyposes.

La deuxième partie étudie au plan historique le phénomène de la rumeur, dont l’œuvre de Tacite constitue un réceptacle exceptionnel. Dans le chapitre 3, nous définissons la rumeur comme média : au- delà des stéréotypes, le phénomène peut être caractérisé par son mode particulier (réticulaire et exponentiel) de transmission de l’information, qui l’oppose aux médias traditionnels et aristocratiques.
Le chapitre 4 adopte une approche interactionniste : il s’agit de déterminer où, quand, comment et par qui s’échangeaient les rumeurs, en nous focalisant sur les réseaux de sociabilité (urbains tout autant que militaires) qui leur permettaient de circuler.
Le chapitre 5 replace la rumeur dans le « paysage médiatique », à Rome et dans les camps militaires, et interroge la relation entre les bruits publics et les autres canaux de communication, notamment les médias de l’officialité. Si la situation la plus récurrente est celle d’une rivalité entre la foule et les autorités autour de l’acquisition de l’information, une autre configuration se trouve de manière régulière dans les sources : la rumeur permettait d’assurer la dissémination d’une information officielle auprès du grand nombre, au-delà des lieux d’interaction ritualisés entre la masse et le pouvoir. Dans ces trois chapitres, l’assise documentaire est élargie aux textes et auteurs de la fin de la République et du Haut-Empire.

Nous retournons ensuite au seul Tacite (troisième partie) pour synthétiser les différentes fonctions littéraires qu’assume la rumeur chez lui, en interrogeant leur rapport avec les propriétés historiques du phénomène. Le chapitre 6 propose une analyse des fonctions narratologiques de la rumeur, certaines connues (la rumeur comme insinuation ou comme support du portrait), d’autres plus neuves (la rumeur comme embrayeur de transition).
Dans le chapitre 7, nous élargissons le cadre en observant le lien de la rumeur à la causalité historique : certains bruits, de forme chorale, semblent détachés des événements et permettent de faire résonner une contre-histoire au sein du récit tacitéen (histoire des émotions, voire histoire contrefactuelle). La fin de ce dernier chapitre se penche sur la problématique de l’utilisation des rumeurs comme sources par Tacite.

Après une conclusion ouvrant sur des perspectives sociocritiques dans l’analyse du discours collectif tacitéen, on trouve deux annexes : un état de la question détaillé portant sur la rumeur dans les sciences de l’Antiquité, et une étude lexico-syntaxique complète des rumeurs tacitéennes.